Business du sport : les Coupes du monde de football sont un jeu d'enfant pour le terrible Infantino

C'est l'inéluctabilité qui vous rattrape. Nous sommes habitués aux mensonges, à la cupidité et aux manœuvres dignes de Machiavel. Pourtant, nous avons continué à espérer contre tout espoir que cela n'arriverait pas. C'était il y a un an. Depuis, nous n'avons eu de cesse de capituler devant ce mastodonte inarrêtable. Au moins, Donald Trump a eu le droit à une élection.

L'attribution simultanée de deux Coupes du monde ce mois-ci, chose que Sepp Blatter avait promis de ne plus jamais voir se reproduire après le hold-up de 2010, a été un fait accompli grâce à « l'acclamation par Zoom ». On peut pardonner aux Grecs de l'Antiquité de ne pas avoir pris cela en compte lorsqu'ils ont inventé la démocratie.

En conséquence de ces manigances, la Coupe du monde 2030 ne se déroulera pas sur un seul continent, mais sur trois : l'Europe, l'Afrique et l'Amérique du Sud. Ne vous inquiétez pas pour l'environnement et excusez le sarcasme : conformément à l'engagement du président de la FIFA, Gianni Infantino, de réduire de moitié les émissions d'ici 2030, seule une poignée d'équipes devront faire un aller-retour de 20 000 km pour jouer un seul match de 90 minutes.

Tout aussi rassurant que sa politique de « carte verte pour la planète », Gianni se réjouit de constater que, quatre ans plus tard, lorsque l'Arabie saoudite accueillera le tournoi, tous les stades ont obtenu des taux de popularité élogieux, même si neuf d'entre eux n'existent pas encore. Quant à la finale, elle se déroulera à 350 mètres du sol, dans une ville encore en projet, Neom. Pour être juste envers Gianni, les plans semblent provenir d'une autre planète.

C'est donc ici que se déroulera à moyen terme l'événement le plus regardé au monde, et on se demande si Elon Musk a quelque chose en réserve pour 2038. La prochaine édition (2026) se déroulera dans seulement trois pays, mais comme il s'agit des États-Unis, du Canada et du Mexique, l'empreinte carbone ne sera pas au beau fixe.

En dehors des six nations – oui, six – qui seront à l’honneur en 2030, dans les deux décennies qui suivront le tournoi brésilien de 2014, la Coupe du monde aura eu lieu en Russie, au Qatar, en Amérique du Nord et en Arabie saoudite. Ce ne sont pas les premiers endroits qui viennent à l’esprit quand on pense au football. En effet, pour un sport qui compte plus d’adeptes que les deux plus grandes religions réunies, il est entraîné dans des recoins peu propices à la dévotion.

On pourrait applaudir l'esprit évangélique, s'il n'était pas si ouvertement subordonné au profit et au pouvoir. Le pape voyage dans le monde mais continue à célébrer la messe avec ses fans à Rome. Pas le football. Depuis que les pays pétroliers ont commencé à investir leur argent dans le football, la FIFA est déterminée à s'emparer de la part du lion.

Au début, seuls quelques délégués étaient accusés d’avoir accepté des pots-de-vin pour soutenir les candidatures de la Russie et du Qatar. La situation a été particulièrement choquante, mais après l’éviction de Blatter, qui avait voté pour la Russie et les États-Unis « dans un geste de paix », en 2015, l’espoir est revenu.

Des descentes à l'aube ont été organisées chez des dirigeants de la FIFA pendant leur sommeil, des draps blancs de honte ont été apposés pour protéger leur identité alors qu'ils étaient parqués dans des voitures en attente. Certains ont été emprisonnés. Mais ce n'était rien de plus que le Printemps arabe du football, et maintenant une tête encore plus monstrueuse est apparue pour montrer que l'instance dirigeante n'est rien de plus qu'une hydre géante.

Le quotidien britannique The Times a qualifié Infantino de « plus grand salopard de l’histoire de l’administration sportive », tandis que le Daily Telegraph a qualifié le vote de « la plus lâche trahison de l’histoire du sport ». Ce qui est indéniable, c’est que le mégalomane italo-suisse s’est lancé dans un dépeçage éhonté du sport le plus populaire du monde. La gravure de son nom sur le trophée de la Coupe du monde des clubs n’était qu’un début.

Les confédérations continentales se relaient pour organiser la Coupe du monde, mais la rotation est déréglée lorsque plusieurs continents et plusieurs pays sont concernés. L'Uruguay a toujours voulu organiser l'édition 2030, car c'est le centenaire de la première Coupe du monde. En 1930, les 18 matches avaient été disputés dans la capitale, Montevideo, mais l'attribution d'un événement élargi en 2026 à l'Amérique du Nord a effectivement ruiné ses chances.

104 matches auraient été un peu exagérés, même pour une nation de trois millions d'habitants passionnée de football. Le Qatar, qui a accueilli l'édition 2022, est encore plus petit mais suffisamment riche pour construire plusieurs stades fabuleux (bien que certains à usage unique) pour un tournoi qui réunissait alors 32 nations.

Les voisins de l'Uruguay ont proposé de l'aider, mais sans succès, car la FIFA a estimé que les bénéfices réalisés par des pays comme le Paraguay, le Chili et l'Argentine étaient dérisoires par rapport à ce qui était offert ailleurs, sans parler des infrastructures. Et entre-temps, l'Arabie saoudite avait fait son apparition ; un plan astucieux a donc été élaboré.

L'Espagne, qui avait organisé l'édition 1982, et le Portugal, qui n'a jamais organisé l'épreuve, étaient considérés comme une alternative commune et leur association avec le Maroc, éternel perdant de la compétition, a joué en faveur de la FIFA. D'un seul coup, trois continents se sont exclus de la course à l'organisation de la Coupe du monde 2034.

Pour montrer qu'il n'avait pas complètement oublié l'Uruguay, Infantino a accordé un match commémoratif au pays hôte, ainsi qu'un match pour l'Argentine et le Paraguay. Les deux pays hôtes joueront probablement, mais tous les participants devront prendre l'avion depuis le sud de l'Amérique du Sud jusqu'en Europe pour disputer le reste du tournoi. Un inconvénient mineur, mais qui empêche l'Amérique du Sud de se porter candidate pour 2034.

Voilà donc comment la voie s’est ouverte pour l’Arabie saoudite. Tous les autres candidats étant hors course, il ne restait plus que l’Australie comme alternative réaliste. Mais il y a un peu plus d’un an, Infantino a porté le coup de grâce : il a donné 26 jours aux candidats pour faire leur offre.

L’Arabie saoudite avait déjà mis en place ses plans futuristes et époustouflants, et elle était donc assurée d’être sélectionnée. L’Australie a vu la direction du vent et s’est retirée. Les arènes saoudiennes ont donc été approuvées par un vote à main levée via Zoom. Le journal britannique The Independent a qualifié la FIFA de « dictature de pacotille », ajoutant que ce simulacre de vote « résume parfaitement les profondeurs dans lesquelles le football est tombé ».

Seule la Norvège a réagi, tandis que la Fédération anglaise de football a joué avec les brassards arc-en-ciel et se retrouve désormais confrontée à une éternité sans Coupe du monde. Le pays qui a inventé le jeu possède le meilleur championnat du monde et certains des meilleurs stades ! Toutes les autres préoccupations ont été balayées d'un revers de main, même si un coup de balai n'était pas vraiment nécessaire dans le processus de prise de décision sur Zoom.

C'était une farce. Certains délégués étaient dans leurs voitures, d'autres sur leurs téléphones. Les droits de l'homme, ça vous dit quelque chose ? 83 % des supporters de Newcastle ont exprimé leur inquiétude concernant les droits de l'homme en Arabie saoudite, et leur club appartient à ce pays. Mais la FIFA fait la sourde oreille. Les femmes ? Les travailleurs migrants ? Pas une seule mention alors que le démembrement de Jamal Khashoggi semble aussi lointain qu'un crime de guerre nazi.

L'Arabie saoudite est-elle un pays approprié pour accueillir un match ? La chaleur entraînera un nouveau passage à l'hiver et une perturbation de la saison en Europe. S'il ne fait aucun doute que les Saoudiens aiment le football, apprécient le faste et les gros contrats, il faut se demander : à part quelques clubs, l'intérêt est-il suffisant pour organiser 104 matches ? Certains matchs de la Saudi Pro League ont été vus par dizaines.

Mais rien n'empêchera Infantino de faire ce qu'il veut. Agé de 54 ans, l'homme que les Français pourraient qualifier d'« Infantino terrible » est déterminé à être le grand panjandrum du sport. Il a même eu l'audace de répéter les mots du fondateur de la Coupe du monde, Jules Rimet, qui a déclaré : « Le sport peut unir le monde. » C'est en route : la plupart des spécialistes du football s'accordent à dire que le patron de la FIFA est un dictateur de pacotille.

Source : Theedgemarkets